jeudi 14 avril 2016

Coup de foudre

Quoi de mieux qu'une bonne douche ? Une bonne douche sous la couette (atta, atta, tu vas comprendre) ! Et quoi de mieux qu'une bonne douche sous la couette ? Une bonne douche avec des éclairs, du tonnerre, des trucs qui grondent, qui raclent, qui roulent : un peu comme si tu avais rempli ton lave-linge avec des galets ! Un bel orage, quoi ! Un truc qui pète, qui flashe, qu'on y voit comme en plein jour et qu'on s'entend pas ronfler (si tant est qu'on y arrive...) !
Bref, un orage de type "orajdukunzoute", l'orage qui est à l'intempérie ce que l'éruption du Mont Ste Hélène est au terrassement : un truc inoubliable (oui, il y a aussi des trucs à dire sur les volcans mais c'est pas le jour).

Bref, voici un petit billet sur le nuage, le vrai, le bon gros cumulonimbus en forme d'enclume (et pas son cousin geek-trendy, le cloud).

Illustration de Iamo'i's (www.iamois.fr)

 
Mais, tu vas me dire, c'est quoi un orage (si, si, tu te poses la question) ? Par exemple, on pourrait dire ça à nos enfants si on est pris au dépourvu (mais qu'on ne veut pas perdre la face) :
"Papa/Maman, j'arrive pas à dormir : il y a le voisin du dessus qui joue du piano sur son tapis.
- Mon chéri, on est à la campagne, il n'y a pas de voisin au-dessus : c'est la pluie sur le toit de la maison.
- Pourquoi il pleut ? (ndla : et c'est parti pour le jeu des pourquois !)
- Parce que des nuages sont arrivés remplis d'eau et se sont rentrés dedans, alors ils se sont cassés et l'eau est tombée par terre.
- Mais pourquoi ils se cognent ?
- Et bien ils prennent tous la même route en même temps alors dans les embouteillages, parfois, ils ne font pas attention. C'est comme quand on part en vacances en voiture.
- Ah oui, comme quand vous râlez dans la voiture. Et pourquoi ça fait du vacarme ?
- Quand ils se cognent, ça fait des accidents alors ça fait du bruit. Beaucoup de bruit parce qu'ils sont énoooormes !
- Et pourquoi ils allument la lumière dehors ?
- C'est à cause des autres nuages autour qui prennent des photos, de ceux que ça réveille et qui allument la lumière dans leur chambre. Et puis surtout des étincelles que ça fait quand il y a des accidents.
- Ils vont nous tomber sur la tête, les nuages ?
- Oh non, pas d'inquiétude ! Ils ne tombent jamais, c'est comme nous, on reste toujours les pieds par terre, pour ne pas se gêner avec les nuages, sinon ça serait la pagaille ! Allez, au dodo sous la couette !"


Charmante tranche de vie... Et comme il ne faut pas mentir aux enfants, je me suis dit qu'il fallait en savoir plus sur tout ça. Alors reprenons tout ça depuis la fin et remontons le fil.

Mensonge #1 : les nuages prennent des photos de leurs copains en rade (et les voisins allument la lumière)


Le flash que l'on voit est le résultat de l'éclair : un éclair est un arc électrique et est quelque chose de très lumineux qui se propage très vite. Un autre moment où on voit (et utilise) un arc électrique, c'est quand on fait de la soudure : il se crée entre la pièce en métal à souder et l'outil de soudure. On se protège les yeux de la luminosité de l'arc avec des lunettes ou un masque (qui protège en plus des projections éventuelles de métal en fusion (oui, oui, je vous parle pas de l'arc de Yakari, là, ça rigole pas)), un masque, donc, sacrément épais (on a tous essayé d'y voir qqch sans souder et il y fait noir comme dans un four).
Au moment de l'éclair, l'air se comporte comme le filament d'une ampoule : juste avant que l'éclair n'arrive, la différence de potentiel (tiens, c'est quoi "la différence de potentiel" ? Bon, rapidement alors. Dis-toi qu'en gros, un potentiel, c'est l'autre nom d'une charge et qu'il y a différence de potentiel quand les polarités (positive ou négative, les p'tits signes "+" et "-" sur les piles) entre deux endroits sont différentes : on a du "+" d'un côté et du "-" de l'autre (le "+" et le "-" s'attirent entre eux et les polarités de même signe se repoussent). Jusque là, ok. Bon, et bien quand les "+" sont très nombreux d'un côté et les "-" très nombreux de l'autre, on a une grosse différence de potentiel. Cette différence se mesure en volts (symbole V), les volts que tu connais (les prises en 220 V, les grosses piles carrées en 9 V (qui piquent la langue), la clôture de Jurassic Park en 10.000 V, etc...). En gros, hein ? Voilà.), la différence de potentiel, donc, est telle (de l'ordre du million de volts, beaucoup de "+" et de "-" se sont agglutinés pour des raisons qu'on verra ensuite), qu'elle parvient à faire passer du courant entre ses deux extrémités (côté nuage et côté sol) à travers un "conducteur".
Alors tu te dis "ça veut dire quoi faire passer du courant ? Concrètement, pourquoi je vois de la lumière ?" et tu as bien raison. Je dis que l'air se comporte comme un filament d'ampoule qui lui, est en métal (en tungstène, symbole W (sombre histoire ça aussi)), et donc a des propriétés différentes qui fait qu'on le préfère pour faire des ampoules que l'air ambiant. Une de ses caractéristiques, en tant que métal, c'est que le courant passe bien à travers lui. "Oui, mais ça veut dire quoi ?". Attends, je te dis. Ça veut dire que les électrons (des petites boules qui trimballent de l'électricité pour schématiser), qui tournent autour des atomes du métal, passent facilement d'un atome à un autre si on les énerve juste un peu. En passant d'un atome à un autre, ça libère de l'énergie qui se matérialise en... puis en... à cause de... pour finalement faire du... et ça fait de la lumière visible ! Et pour passer d'un atome à un autre, il faut les énerver, donc. Il faut leur dire "Hé, t'es p'têtre bien là où tu es mais tu serais mieux à côté ! Je t'assure, viens ! Allez, viens ici !" Et à force de dire "Laisse-moi tranquille", l'électron finit par se laisser convaincre et bouge. Lui et beaucoup d'autres à la suite, sur les autres atomes, de proche en proche. S'il y a beaucoup de monde pour les énerver d'un côté et beaucoup de monde pour leur dire que c'est mieux ici de l'autre (a.k.a. "grosse différence de potentiel", ayé, on raccroche les wagons), beaucoup d'électrons vont bouger donc faire beaucoup de lumière.
Ca, ça marche bien avec du métal : les électrons y sont assez perméables à l'argumentaire "l'herbe est plus verte à côté" : on dit que le métal est un bon conducteur. Pour l'air, lui, et les électrons qui sont autour des atomes qui le constituent, c'est une autre histoire : c'est un peu des têtes de pioche et pour les convaincre de bouger, faut donner de sa personne : l'air est un bon isolant. Il faut donc une sacrée différence de potentiel pour que l'électricité traverse l'air : c'est plutôt rassurant, tu noteras, car si on devait avoir un arc électrique à travers la pièce chaque fois qu'on pose 2 piles l'une à côté de l'autre, ça serait carnaval tous les jours !
Bref, il faut une sacrée différence de potentiel pour que l'électricité passe dans l'air et crée un arc, c'est à dire les quelques millions de volts dont je parlais plus haut.


 
Maintenant, pourquoi ça ne tient pas alors que pour l'ampoule, la lumière reste ? L'arc de l'éclair n'a pas vocation à rester immobile comme le ferait le filament d'une ampoule pour des raisons d'instabilité.
Pour l'ampoule, ceux qui matraquent "l'herbe est plus verte à côté" ne s'arrêtent jamais de parler : même si l'électron bouge, ça ne les satisfait pas, ils en veulent encore et encore qui bougent, toujours plus. Ils ne trouvent pas leur équilibre intérieur dans le fait qu'un seul électron dise "Bon, d'accord, je bouge." En gros, il y a toujours quelque chose qui leur manque et ce manque est alimenté par le fait qu'on branche l'ampoule à la prise électrique : on lui fournit une différence de potentiel inépuisable (il y a la centrale EDF à l'autre bout) et donc impossibilité de revenir à une situation où ces types se taisent et donc les électrons bougent. Et donc on a de la lumière jusqu'à ce qu'on débranche la prise.

Pour l'éclair, c'est différent. La différence de potentiel existe (entre la base du nuage et le sol) et comme la Nature n'aspire qu'à l'équilibre, le fait de faire passer du courant entre un point A (nuage) et un point B (sol) met justement ces deux points au même niveau de charge et de polarité et donc l'éclair ne peut plus exister. Tout ça se fait très vite, l'éclair disparaît ainsi que la lumière qu'il a créée (d'où le flash).


Mensonge #2 : le bruit (le tonnerre) provient du choc des nuages les uns contre les autres


Je me souviens, à partir de l'analogie qu'on peut faire entre un nuage et du coton, avoir tenté de voir le bruit que faisaient deux disques de coton Demak'up quand ils s'entre-choquaient pour vérifier : oui, j'ai été déçu !
L'éclair, donc, se propage : il va du nuage vers le sol (verticalement) ou parfois d'un nuage à un autre (en oblique ou horizontalement). Il se propage très vite (sachez que la fameuse "vitesse de l'éclair" est de 40 000 km/s environ soit un peu plus du dixième de la vitesse de la lumière) et surtout, l'éclair chauffe beaucoup. On estime que le canal de l'éclair chauffe l'air qu'il traverse à 30 000 degrés Celsius (°C). On a donc, pendant un orage, des particules d'air, tranquilles, qui comptent les gouttent qui les traversent et qui sont à environ 10-15 °C (à la lou... mmmm, au doigt mouillé (ah ah ah !)) et tout d'un coup, un courant les traverse et les propulse à 30 000 °C en un quart de seconde !
Bon, mais que se passe-t-il ensuite ? Alors l'air chauffe...
... et quand il chauffe, il se dilate...
... et quand il se dilate, il veut prendre plus de place (PV = nRT, bla bla bla)...
... et pour prendre plus de place, cet air qui est dans le canal de l'éclair (quelques cm de large) va s'éloigner du dit-canal de l'éclair...
... et comme on l'a fait chauffer très très vite, il part à toute vitesse (un peu comme Usain Bolt après le coup de feu de départ au 100 m. Usain Bolt... vous saisissez l'allusion subtile ? "Bolt", "lightning bolt" ! La foudre quoi !). Bref, l'air se précipite et s'écarte de l'éclair...
... et en faisant ça, il pousse les autres particules d'air qui continuaient de compter les gouttes à quelques centimètres du canal de l'éclair et qui n'ont pas bougé car leur température n'a pas fondamentalement changé : il les pousse, les bouscule, leur crie "Place ! Place ! Il me faut de l'espââââce ! Poussez-vous !" en gros... C'est un peu la panique si vous voulez...
A que donc, de proche en proche, les particules d'air se compriment (les pressées chauffées à blanc se tassent contre les immobiles à température ambiante le temps que ces dernières réalisent qu'un truc se passe) et se dilatent (réchauffement des particules à température ambiante par leur contact avec celles chauffées à blanc et retour à un équilibre global après le tassement de tout ce petit monde car la Nature n'aime pas les singularités non plus (en gros)). Pour vous représenter ça, imaginez ce que ça donne quand vous poussez l'eau devant vous dans une baignoire/piscine/étendue d'eau calme avec le revers de votre main : une onde (une vague) se crée et s'éloigne de vous. Et bien voilà, dans l'air il se passe la même chose mais on ne le voit pas : une onde se crée. Si on tire une ligne entre l'éclair et toi, la pression de l'air tout au long de cette ligne n'est pas uniforme : si on la représente, elle donne ça :

 
Et alors là, la magie du monde réel intervient. Si je te montre ça, à part me dire que je me suis pas foulé parce que je te ressers le schéma du dessus, ça t'évoque quoi ?

 

Un son ! Un bruit ! Et bien le voilà, le bruit du tonnerre ! Je t'explique.
Le bruit, il est dans notre tête (celui-ci et beaucoup d'autres chez certains) : il s'agit de l'interprétation par notre oreille (le tympan plus précisément) et notre cerveau d'une variation de pression. Variation de pression qui existe, comme on l'a vu, du fait de la cohue de particules d'air décrite au-dessus. Ce qu'on entend, le coup de tonnerre, est donc le bruit de l'air qui chauffe et se dilate très vite après le passage de l'éclair ! Simple, non ?
Pour illustration, un haut-parleur crée cette pression aussi en oscillant : il comprime ou détend l'air devant lui en se déplaçant à une fréquence donnée pour vous permettre d'écouter le dernier album de Mozart.

Et attends, encore mieux, on peut raffiner : "Pourquoi on n'entend pas un <Bang> bien sec mais plutôt un son un peu long parfois ?"
Ah ah ! Bonne question ! Cela vient de la taille de l'éclair et de son point de départ : il part du nuage, situé à environ 10 km du sol et foudroie un truc par terre. Et comme rien n'est instantané dans ce bas monde (à part le Nesquick et le mal au crâne quand on écoute Justin Bieber (oui, vous lisez aussi un blog qui prend position)), et bien l'air chauffé en haut, au tout début de l'éclair, va se dilater avant celui situé en bas, près du sol, qui ne voit arriver l'éclair qu'après : on entend donc d'abord le bruit de l'émeute provoquée juste en dessous de la base du nuage qui se poursuit jusqu'au bruit de la dilatation violente de l'air situé près du sol. Tada !


Et au fait, on pourrait croire d'après le schéma ci-dessus que si on entend un "roulement" long plutôt qu'un "bang !" bien sec, c'est que la foudre n'est pas tombée loin. Pas que : il faut aussi considérer le fait que le son se réverbère sur les montagnes et autre relief autour de soi, ce qui fait qu'on peut croire entendre un truc qui dure là où on n'entend que l'écho du bruit de l'éclair.


 

Mensonge #3 : les nuages se cognent et ça fait des étincelles


Si on reprend nos bouts de coton, là, ça peut marcher. Et pour des raisons proches. Mais on galère un peu.
En fait, on l'a vu plus haut, les nuages ne font pas des étincelles : il en sort des éclairs, des grands trucs lumineux très brefs et qui partent dans tous les directions. On n'est pas loin des étincelles mais ça n'en est pas. Histoire d'aller plus loin, car on a vu ce qu'était un éclair, ce que tu peux te dire, c'est "Pourquoi y a-t-il de l'électricité dans un nuage ?".

Tout ça, c'est une histoire de masses d'air froid, d'air chaud et de petites particules qui se font balader au milieu.

En gros, ce qu'il faut comprendre, c'est que le nuage est chargé électriquement : le "+" au sommet, le "-" à sa base. Et comme la base du nuage fait face au sol et que les charges de signe opposées s'attirent, le sol se charge en "+".
Pour expliquer ça, une fois n'est pas coutume, je prends la plume de quelqu'un d'autre (ça sert à rien de réinventer la roue) :
"Les nuages d'orage sont des cumulonimbus, gros nuages en forme de hautes tours ou d'enclume, dont la base se situe aux environs de 1000 m d'altitude, et dont le sommet se situe aux environs de 10.000 m. Ils sont composés à la fois d'eau (au-dessous de l'isotherme 0 °C) et de glace. Ils se forment souvent à la fin d'une journée d'été lorsque de l'air chaud et humide s'élève dans l'atmosphère. Cet air, au fur et à mesure qu'il s'élève, se refroidit et se condense en donnant des gouttelettes d'eau, puis de la glace. Les nuages d'orage peuvent aussi résulter de la rencontre de deux masses d'air de températures et degrés hygrométriques différents.
Lors des orages, le cumulonimbus est fortement chargé électriquement. Globalement, le  sommet du nuage est chargé positivement alors que sa base est négative. Le mécanisme de séparation des charges dans le nuage n'est pas parfaitement compris.
[...]
Quelle que soit l'explication réelle, même si le phénomène est complexe et mal compris, il aboutit a  une séparation de charges : la charge du sommet du nuage, composé essentiellement de légers cristaux de glace, est globalement positive, alors que celle de la base du nuage, composée de gouttes d'eau plus lourdes que la glace au-dessus, est globalement négative.
La partie du nuage qui se trouve en regard de la Terre étant chargée négativement, le sol se charge positivement par influence.
"
 
 
 
 

Sur le phénomène de "séparation des charges" évoqué (les "+" vont en haut et y restent, les "-" vont en bas et y restent aussi) et sur lequel on est incertain, ça marche(rait) en gros comme ça :
- l'air chaud dans le nuage monte car il est plus léger que l'air froid (principe de la montgolfière : si tu comprends pas je t'expliquerai)...
... et en montant il se refroidit car il fait plus froid en altitude...
... et donc l'humidité qu'il contient se transforme en cristaux de glace car la température passe en-dessous de 0°C...
... et l'air refroidi redescend vers le bas...
... emmenant avec lui les cristaux de glace qui se transforment en gouttes d'eau...
... qui rehumidifient de l'air chaud qui remonte...
... et cætera...
... et cætera.

Bref, toutes ces particules plus ou moins grosses s'entrechoquent, se frottent les unes avec les autres et génèrent ce qu'on appelle cette "séparation des charges électriques" : les particules fines, légères, chargées positivement (glace) vont vers le haut et les particules plus lourdes, chargées négativement (gouttes) vont vers le bas. Et voilà donc notre nuage chargé ! Une grosse pile, quoi.
 
Illustration de Iamo'i's (www.iamois.fr)
 
Il peut donc envoyer des éclairs entre les charges négatives de sa base et les positives du sol car ces chargent s'attirent et veulent se rejoindre : pour ça, elles mettent en marche la machine à convaincre et lobotomisent les électrons de l'air comme on l'a vu pour que le courant passe.
On comprend aussi comment il peut y avoir des éclairs entre les nuages (à l'horizontale) entre les charges positives d'un nuages et les négatives d'un autre. Tout ceci est un joyeux bordel avec une finalité propre à la nature (et à la Suisse) : la neu-tra-li-té (des charges électriques). L'équilibre, quoi.
Voilà, tu es maintenant incollable sur les orages ! Ah non, on a oublié un truc ! Le truc fondamental : le calcul de la distance entre nous et l'éclair ! Tu sais, quand tu comptes à partir du moment où tu vois le flash ("1... 2... 3... 4 secondes...") et que tu t'arrêtes quand tu entends le bruit du tonnerre ("... 5... 6... <brouuum !> 6 secondes !") et que tu sais plus très bien quoi faire de ce chiffre pour connaître la distance ("euh... 6 kilomètres ? C'est ça, hein, ça vient de péter à 6 km d'ici ?") !
Bon alors, reprenons.
Le son, on l'a vu, est une onde matérialisée dans le monde réel par la compression/décompression de l'air et dont l'interprétation par notre cerveau (via notre oreille qui transmet l'info) est un bruit. Et bien c'est la même chose avec la lumière : la lumière est une onde qui se propage et l'interprétation qu'en fait notre cerveau (via nos yeux) et une image. La seule différence avec la lumière, c'est qu'elle se propage aussi dans le vide (pas d'air, rien, comme dans l'espace) alors que le son, non : on voit les supernovæ mais on ne les entend pas exploser par exemple (quoiqu'avec la découvertes des ondes gravitationnelles, ceci est désormais possible mais ça sera l'objet d'un autre article).

Mais sur Terre, les deux se propagent. Mais à des vitesses différentes. Et c'est là que se situe le truc !
La lumière se déplace à (environ) 300 000 km/s. C'est rapide. C'est même très rapide, on ne connaît pas plus rapide en fait. 300 000 km/s, ça veut dire que le temps que ta trotteuse de montre bouge, le type devant toi peut partir tout d'un coup à la vitesse de la lumière a fait plus de 6 fois le tour de la Terre et se tient maintenant devant toi (sauf que maintenant, il peut te dire ce qu'il pense de la Grande Muraille de Chine qu'il vient de voir 6 fois alors que ça n'était pas le cas il y a deux secondes).
Bref, tout ça pour dire que quand un éclair fend le ciel (on fait aussi un peu de poésie), la lumière qu'il génère éclaire les alentours immédiatement. Même qqn qui est à 5, 6, 10 km verra la lumière instantanément. Ca, c'est bon.

Ensuite le son. Le son, lui, se déplace moins vite que la lumière : il fait du 340 m/s environ, c'est à dire près d'un million de fois moins rapide que la lumière (il file quand même à plus de 1200 km/h mais je t'ai dit, la lumière va très vite).
Et comme le son se déplace moins vite, celui qui est généré par l'éclair au point zéro nous parviendra après un certain temps : car après 1 seconde, le son ne sera audible que par ceux situé à 340 mètres ou moins de l'éclair. Après 2 secondes, c'est tous ceux situés à 680 m (2 x 340) ou moins qui l'auront entendu. Et après 3 secondes, tous les gens situés dans un rayon de 1020 m (3 x 340) ou bien, en arrondissant, 1 km, auront entendu le tonnerre. Vous me voyez arriver, là ? Mmmmm ? 3 secondes pour 1 km ? Tous ces gens auront vu la lumière instantanément, compté jusqu'à 3 et entendu à ce moment un gros coup de tonnerre. Vu qu'on sait qu'ils sont à 1 km du point zéro (ceux qui ont compté jusqu'à 3), on peut donc dire : il faut diviser le temps en secondes entre le flash et le bruit par 3 pour avoir la distance en km entre soi et l'orage !
Tada !
 

Bref, voilà, les orages n'auront plus de secret pour toi et tu pourras étaler ta science le prochain 15 août !



 

mardi 8 décembre 2015

Tracasserie (#5)

"Chouette, il fera deux fois plus chaud demain ! Bon, vu qu'il fait 0°C, ben il fera... euh... <soupir>..."
Ou bien "S'il fait -8°C aujourd'hui et qu'il fait deux fois plus froid demain, je fais quoi ? -8 x -8 = +64°C ?!"

Et bien ami(e) lecteur(trice), réjouis-toi car à la fin de cet article, tu sauras répondre, non sans une certaine éloquence, à ces questions !

L'important, c'est de savoir de quoi on parle. Par exemple, si j'habite à 100 km de Tours (oui, on pourra me dire "T'habites à 100 km de Tours") et bien ce bon vieux Marcel qui habite à 200 km de cette ville habitera "deux fois" plus loin que moi de Tours : les "mètres" mesurent une distance, le zéro est à Tours et de là, on déroule un ruban et Marcel a un ruban deux fois plus long que le mien.



Même chose pour mmm... les densités de populations : on définit un espace (un kilomètre carré par exemple) et on regarde combien de gens, en moyenne, on trouve dans cet espace. On aime bien faire ça pour les pays (population du pays divisée par surface du pays) : on compte 337 japonnais contre 8 russes sur un km2. Au Vatican, on compte même 2 papes au km2 ! Bref, c'est pas compliqué (sauf quand il s'agit de faire ça pour les manifs mais c'est une autre histoire...).

Et bien LA question à se poser, c'est : qu'indique-t-on avec la température (je dis "indique" car la température est un indicateur et pas une mesure : elle ne s'additionne pas. Un litre d'eau à 10°C et un autre litre d'eau à 10°C donnent 2 litres d'eau à 10°C) ? Quand on saura ce qu'on indique, la référence correspondra au point où ce qu'on observe n'existe plus :
- zéro kilomètres de Tours quand on est à Tour ;
- zéro gens au kilomètre carré quand personne n'est là.

On me dit "De la chaleur !", ok, mais il y a des gens frileux et d'autres pas donc comment rester objectif ?
"De l'agitation, du bordel, quoi !", là, on se rapproche. La température indique effectivement à quelle point l'air est agité. Ou plus particuliérement, les molécules de l'air (car ce n'est pas parce qu'il y a un ouragan que l'air est très chaud).
Je ne vais pas rentrer dans le détail du bon vieux "PV = nRT" mais en gros :
- quand l'air est chaud, ses molécules sont très agitées ;
- quand il est froid, ses molécules le sont beaucoup moins ;
- quand plus aucune molécule ne bouge, on est au plus froid, c'est à dire ce qu'on appelle de façon un peu pompeuse "le zéro absolu".

La température de l'air indique donc le niveau d'agitation des molécules d'air avec pour référence le zéro absolu (tout comme on mesurait la distance entre chez nous et Tours en plaçant la référence à Tours). Il faut donc trouver une échelle de mesure qui permette de positionner la température du jour par rapport au zéro absolu et on pourra ensuite faire tous les calculs sots et grenus que l'ont veut. Et toc.

Et bien cette mesure existe ! Il s'agit des degrés Kelvin (on dit "kelvin" tout court d'ailleurs, depuis la Conférence Générale des Poids et Mesures de 1967 : j'imagine qu'à côté, l'ambiance régnant à la COP21, c'était Ibiza !), du nom de William Thomson Lord Kelvin, inventeur de son état et ayant vécu entre 1824 et 1907. Le symbole est le "K", comme celui de Buzzati.
Vous avez entendu vaguement parler de cette mesure de température mais êtes plus à l'aise pour dire, en dînant en ville, "Je caille, il fait -5°C aujourd'hui" ? Parfait, vous êtes comme tout le monde ! Je vais vous détailler l'échelle de Kelvin en partant de l'échelle des centigrades, PUIS des Celsius (si, si : la différence est subtile) dont le symbole est "°C". Retenez juste que :
- l'échelle des Celsius est un genre d'amélioration de celle des centigrades...
- ... et que l'échelle des Kelvin est un genre d'échelle de Celsius 2.0.

L'échelle des centigrades se détermine comme ça (dans des conditions normales de pression, un repère supposé galiléen, blablabla...) :
- repérez la température à laquelle l'eau se transforme en glace : appelez-la "0" ;
- repérez la température à laquelle l'eau s'évapore : appelez-la "100" ;
- divisez l'écart entre ces 2 températures en 100 intervalles égaux.
Là, vous avez l'échelle des degrés centigrades : "centi" comme 100 graduations de disponibles (ni plus ni moins).

Prolongez-la au-delà de 100 et en-deça de 0 avec vos petits intervalles et vous aurez l'échelle dite des degrés Celsius (c'est à dire un bon vieux thermomètre maison), du nom du suédois Anders Celsius qui a mis le souk dans la tête des gens de l'époque car il a fallu composer avec les chiffres négatifs quand on a très froid. Au XVII siècle, on avait un peu de mal avec le concept de chiffre négatif.

Bref, à mesure que l'on refroidissait la température pour voir ce qu'il se passait, on y arriva : ZE température où tout le monde se tient à carreau (même votre enfant au rayon jouet en décembre) : le zéro absolu. Un coup d'œil au thermomètre qui indique... -273,15°C ! Rien que ça, pas un temps à mettre le nez dehors.
Sachez juste qu'on ne peut pas arriver à cette température comme on arrive à mettre le four de la cuisine à 180°C pour cuire une ouiche lorraine (oui, j'ai écrit "ouiche") : on y arrive "asymptotiquement", c'est à dire qu'on s'en approche à chaque instant un peu plus, mais on ne l'atteindra que si on vit une infinité d'années. C'est donc un point théorique mais bien déterminé tout de même(1).

Pour en revenir à l'échelle des kelvin, on l'a donc déterminée comme ça :
- le zéro absolu est égal à "0 kelvin" ;
- "un kelvin" est égal à un degré Celsius (nos intervalles de tout à l'heure).
On a donc notre échelle :
- l'eau se transforme en glace à 0°C soit... +273,15 K !
- elle s'évapore à 100°C soit... 373,15 K (je ne mets pas le "+" devant car ce n'est pas la peine de le préciser : il n'y a pas de température négative en kelvin(2))
- vous n'avez pas de fièvre quand votre corps est à 37,5°C ou bien... 310,65 K (= 273,15 + 37,5)
- et ainsi de suite...

On arrive donc à indiquer le niveau d'agitation des molécules de l'air (i.e. la température) à partir d'une vraie référence (celle où rien ne bouge) grâce aux kelvin.



DONC, si on reprend notre problème de départ : aujourd'hui il fait 0°C (écharpe, bonnet, manteau) et demain, il fera 2 fois plus chaud : je m'habille comment ? Il faut donc trouver la température qui indique que les molécules d'air sont 2 fois plus agitées qu'aujourd'hui.

Et bien il fait aujourd'hui 273,15 K (= 0°C), donc demain, il fera 546,3 K (= 2 x 273,15) soit... 273,15°C (= 546,3 - 273,15) ! Rangez votre manteau et votre bonnet et sortez la combinaison en alu d'Haroun Tazieff parce que demain, ça va chauffer !

Alors comme on dit : "Debout les campeurs et haut les cœurs parce que ça caille aujourd'hui !"

Sachez enfin (et faites en ce que vous voulez) qu'il fait 2,7 K dans l'Univers, c'est à dire environ -270°C. Tout cela dépend bien sûr du degré de vide intersidérale où on se trouve : il peut faire beaucoup plus chaud dans les amas gazeux (car il y a beaucoup plus de molécules qui s'agitent par rapport au vide spatial) mais en gros, la combi du type qui sort réparer un panneau solaire de l'ISS doit pouvoir encaisser ça (non, ils font pas encore ça chez Quechua).


(1) on a en pratique jamais atteint la température de 0 K. On est parvenu à s'en approcher en obtenant 0,00000000045 K au MIT en 2003. Inutile de préciser qu'on n'atteint pas ce niveau avec une clim' classique.

(2) on le rappelle, la température est une indication du degré (!) d'agitation des molécules de l'air. Qui dit "agitation" dit "mouvement", et qui dit "mouvement" dit "vitesse". Et donc une température négative en kelvin supposerait une vitesse de déplacement des molécule de l'air... négative. Vous avez 2 heures, calculatrices interdites.

vendredi 25 septembre 2015

Tracasserie (#4)

Chouette, une nouvelle question existentielle !
Il est connu que tout corps plongé dans l'eau provoque 3 choses :
  • il reçoit une force verticale, orientée de bas en haut, égale au poids de la quantité d'eau qu'il déplace (la partie immergée de la coque du bateau se trouve là où, si le bateau n'était pas là, il y aurait de l'eau) ;
    • corollaire très pratique : si le corps flotte, le poids de la quantité d'eau est égale à celui du corps. S'il coule, le poids de la quantité d'eau déplacée se déduit du volume du corps (caillou, amphore antique, lunettes de vues perdues à la plage...) ;
 
 
    • corollaire marrant : plus le liquide dans lequel flotte le corps est dense/lourd (l'eau de mer est plus lourde que l'eau douce par exemple : 1,025 kg par litre (comme le lait) contre 1 kg par litre pour l'Evian), moins il faudra déplacer de ce liquide pour égaler la masse du corps pour qu'il flotte : il flotte donc "plus haut". Voilà pourquoi un bateau (et vous aussi) flotte "mieux" dans l'eau de mer (et la raison pour laquelle vous pouvez lire le journal en nageant sur le dos dans la mer Morte qui pèse 1,240 kg par litre) ! ;
  • vu que le corps déplace de l'eau et que cette dernière est contenue dans un espace fermé (verre, bassine, bocal, piscine, planète Terre...), la seule façon qu'elle a de se répartir est d'occuper l'espace vers le haut : son niveau monte ;
 
  • il ressort mouillé.
 
Si les conséquences du point 3) sont assez bien maîtrisées, que celles du point 1) sont beaucoup exploitées, celles du point 2) ont toujours été peu claires pour moi si on les rapproche du réchauffement climatique et de sa fameuse montée du niveau de la mer : quelle est l'importance de la présence des bateaux (toujours plus gros, plus nombreux) sur l'élévation du niveau de la mer constaté ?
 
Car de la même façon que le niveau de votre bain augmente quand vous y entrez (essayez de le remplir à ras-bord avant d'y aller et vous verrez), il descend quand vous allez vous sécher. A que donc : quelle est la part de responsabilité des supertankers et/ou de votre coque de noix dans la future disparition des Maldives ? S'attaque-t-on au vrai problème avec le protocole de Kyoto ?
 
Alors réfléchissons : pour savoir si les chefs d'état de ce monde font leur boulot correctement, il nous faut :
  1. la masse de tous les bateaux sur Terre (je dis bien la masse et pas le poids bien que ces concepts soit souvent confondus dans le langage courant (la masse se mesure en kilogramme (le plus souvent) qu'on note "kg"  (vous aurez bien sûr remarqué qu'il s'agit de la seule unité de base du système international à être affublée d'un préfixe : on n'utilise pas le gramme mais le kilogramme (kilo = x 1000) à la différence du mètre par exemple) et le poids est une force mesurée en newton (oui, comme Isaac) noté "N". Retenez qu'en gros une masse d'1 kg exerce sur Terre une force de 10 N) ;
  2. la masse volumique de la mer (on l'a plus haut, à savoir 1,025 kg par litre ou 1025 kg par mètre cube car 1 mètre cube vaut 1000 litres) qui nous aidera à convertir un poids en volume ;
  3. la surface de tous les océans (je ne prends pas les rivière car (i) c'est une tané à calculer/estimer (méandres, largeurs qui varient, eau/pas d'eau en fonction des pluies...), (ii) à vue de nez on sent bien en regardant un planisphère que c'est pas là qu'est le gros de la surface couverte par de l'eau sur Terre (vous n'enlevez pas les seuils de portes quand vous faite votre métrage de mètres carrés habitables chez vous, si ?) et (iii) si on enlève les bateaux de la mer pour les mettre dans les fleuves, vu qu'ils communiquent avec les mers, cela ne changera rien au niveau. Bref, exit rivières, pêche et tradition ;
  4. une bonne grosse touche ➗ sur sa calculatrice !
 
Alors pour le 1), je vous épargne la tournée des gros ports du monde, il y a toute une littérature passionnante (je plaisante pas, j'ai appris plein de trucs mais durs à placer à un dîner en ville...) sur les bateaux, cargos et autres tankers et qui répertorie quantité de mesures (port en lourd, tonnage, UMS, etc...). Celle qu'on cherche s'appelle le "déplacement" : il s'agit de la masse d'eau que le bateau déplace quand il est chargé à fond (genre plus la place de mettre une salière sur une étagère dans la cuisine) et que son réservoir est plein (ce qui augmente sa valeur marchande dans le cas d'un raffiot bien rouillé et plein de pétrole du genre de ceux qui vont s'échouer en Bretagne). Et le plus beau, c'est qu'il y a des registres pour ça ! Enfin, il faut un peu ruser et faire 2-3 recoupements mais avec les bons coefficients de déplacement par types de bateaux, on y arrive !

 
Donc, d'après :
1) l'ouvrage "Ship Design and Performance for Masters and Mates" de Brian Badass... pardon, Brian Barrass (seulement sur commande à la Fnac à Paris, disponible à la BNF en accès libre au Haut-de-Jardin salle C mais il faut justifier qu'on est là pour des recherches sérieuses au cours d'un entretien individuel après s'être fait examiné sa demande sous 5 jours par qqn (je n'invente rien) ou encore, disponible sous Google Books (God bless America !) en version partielle mais il y a tout ce dont on a besoin !) et son tableau de coefficient en début de chapitre 1 :
 
2) le rapport 2014 de l'UNCTAD (United Nations Conference on Trade and Development) qui nous donne le deadweight mondial par types de bateaux :
 
 
on sait que la flotte mondiale a une masse d'environ 2,19 milliards de tonnes (quand je vous dis qu'on est dans les ordres de grandeurs...). Vous verrez ci-dessous les calculs savants pour arriver à ça dans le tableau tout en bas.

Intermède récréatif (youpi !)
Vous noterez, puisqu'on a mis un pied dans les systèmes de mesure avec le kg plus haut, que la "ton" du "deadweight ton" ("port en lourd" pour Molière) n'est pas égale à la "tonne" telle qu'on l'entend dans le système internationale, i.e. mille kilogrammes. Ze ton provient du système stupi... pardon, du système impérial (pas les bus, celui avec les pieds, les flOz, les gallons...) !
- 1 ton = 2000 pounds
- 1 tonne = 2240 pounds (= 1000 kg)
=> 1 ton = 90% de 1 tonne

Du coup, j'ai converti dans mon tableau <soulagement total du lecteur>
 
Si on divise ça par la masse volumique de la flotte salée, ça nous donne un volume d'eau de beaucoup de mètres cubes (j'écris "mètre cube" en toute lettre parce que j'ai pas la touche avec le 3 en exposant qui me ferait gagner beaucoup de temps). 

Et maintenant, il nous faut la surface des océans (rien que ça) mais qu'on trouvera aisément sur Wikipedia : 361 millions de km carrés (soit 71% de la surface terrestre comme chacun sait).
 
Donc ! On divise la masse d'eau déplacée par les bateaux dans le monde par la masse volumique de cette eau pour obtenir un volume qu'on va diviser par une surface d'océans pour obtenir une hauteur d'eau correspondant à toute cette eau déplacée par les bateaux (qui flottent) et répartie sur le globe. Et ben je vous l'donne Emile, on obtient 6 microns ! Oui, oui : les bateaux du monde font monter les océans de 6 microns, c'est à dire de 0,006 mm. Ou alors vous prenez 1 mm que vous divisez en 167 parts égales : et bien 6 micron, c'est la taille d'une de ces parts ! Ou alors pour relativiser : le diamètre moyen d'un cheveu est entre 50 et 100 microns (il faut donc les couper plusieurs fois en quatre...).

Si on veut raffiner, on peut aussi prendre en compte les containers : pas ceux qui sont sur les bateaux (ceux-là, on les a déjà pris en compte plus haut car leur masse fait partie du déplacement), non, je veux parler des 10 000 containers qui tombent en moyenne par-dessus bord et qui coulent au fond de la mer.
Il y a plusieurs types de containers mais si on considère les plus gros (a.k.a. les 40 pieds) qui font 12 m de long, ils déplacent environ 76 mètres cubes de flotte chacun.
Si on considère que le transport par container, inventé par un américain dans les années 50-60, a réellement pris son essor dans les 70s avec la guerre du Vietnam (les US ont du envoyer beaucoup de matos en Asie) et que le chiffre de 10 000 boites perdues par an dans l'eau tient depuis 50 ans, on est plutôt large dans nos hypothèses, limite un peu trop gourmand. Bref, avec ces chiffres, l'impact des containers qui rouillent sous le corail n'est que de 0,1 micron : oui, il faut diviser un millimètre en dix mille pour arriver à ça (jetez un coup d'oeil à votre double-décimètre et vous verrez que c'est petit, trèèèèès petit).

 
Donc je crois qu'avec tout ça, on peut dormir tranquille et le commerce maritime peut prospérer : le niveau des océans ne monte pas (seulement) à cause des gros bateaux !

 
Et vous verrez ici (lien vers l'article dont je me suis fortement inspiré et qui m'a aidé à trouver les sources pour refaire tous ces calculs : on est bien en ligne <ouf !>) que même si on enlevait tous les bateaux demain de l'eau (pour les jeter dans l'espace ou les stocker à la cave dans des sacs aspirants mais PAS dans les rivières car ça ne changerait rien comme on l'a vu) et que le niveau des océans baissait de 6 microns, et bien il reviendrait à son niveau-avec-bateaux malgré tout après 16 heures. Et virer tous les poissons n'aura pas beaucoup d'effet non plus... Yapluka tous rouler en Tesla !

 
Sources (dans le désordre) :
 Gros tableau de calculs savants que j'ai fait tout seul comme un grand (Excel mon amour) :



 

vendredi 19 juin 2015

Tracasserie (#3)

Un lecteur me pose cette question (du courrier des lecteurs ! Gloire, gloire !) :
"Est-ce que toute les étoiles que l'on observe à l'œil nu ou avec un petit télescope font partie de la voie lactée ? Ma logique me dit que oui. J'aimerai une confirmation experte. Merci pour votre blog je suis fan !"

(ce message est comme les jus de fruits sur votre marché bio : rien n'a été ajouté, promis)

Bon, une étoile, on voit ce que c'est. La Voie Lactée, tout le monde est avec nous ? Il s'agit d'une galaxie d'étoiles, ou de la Galaxie avec un grand G (le dernier recensement en donne entre 200 et 400 milliards soit... un truc pas représentable. Par exemple, il faut 300 milliards d'iPhones 6 pour recouvrir intégralement le Luxembourg, le pays, pas le jardin). Elle porte ce nom sympathique (Milky Way en anglais) parce vue de chez nous, elle ressemble à ça :


Une sorte de chemin blanc laiteux tracé dans le ciel. Rien à voir avec ça, donc :


Mais j'entends déjà que grondent nos deux sympathiques astronomes du fond : "Mais ! Une galaxie, ça ressemble pas à une autoroute au lactose ! Dans Star Trek, c'est plutôt un escargot comme ça :"


Oui, c'est vrai, et la photo ci-dessus est bien la Voie Lactée... mais vue de l'extérieur en vue d'artiste. Parce que la Voie Lactée, on y est jusqu'au cou : le Soleil est une des milliards d'étoiles qui la constituent :


Et donc ! Ce qu'on voit depuis chez nous, c'est la tranche, l'épaisseur, le profil de l'escargot. Histoire de donner des ordres de grandeur, voilà les mensurations de la bête :
- diamètre d'environ 100 000 années-lumière (marrant, hein, le pluriel de "année-lumière" ;-) )
- épaisseur de 700 années-lumière à l'endroit où on se trouve (on est presqu'au milieu : 350 au-dessus et 350 en-dessous).

En ce qui concerne notre Soleil :
- il est à 25 000 années-lumière du centre (soit à mi-distance entre le bord et le centre) ;
- il fait le tour de la Galaxie en 250 millions d'années (soit 4 fois le temps qui nous sépare de l'extinction des dinosaures).

L'année-lumière (AL), pour ceux qui ne savent plus, c'est la distance que parcoure la lumière dans le vide en 1 an :
- la Terre est à 8,3 minutes-lumière du Soleil
- Pluton (dont on sait maintenant qu'elle est hors de tout danger) orbite entre 4,1 heures-lumière et 6,8 heures-lumière du Soleil
- le Soleil à 25 000 AL du centre de notre galaxie, ça veut dire que si quelqu'un lance un SOS depuis ce centre avec sa lampe de poche, on ne le verra que dans 25 000 ans sur Terre (c'est les lois de la physique, y'a même des panneaux pour le rappeler)



Bon, mais si on revient à notre sujet : que voit-on le soir avec de la chance et des bons yeux ? Je reprends ce qu'on dit ici, je ferais pas mieux : http://forums.futura-sciences.com/astronomie-astrophysique/545867-voyons-ciel-nos-latitudes-a-loeil-nu.html

"A l'œil nu, on voit environ 8500 étoiles sur les deux hémisphères, jusqu'à la magnitude apparente limite de +6,5. La magnitude (m) est la mesure de la luminosité de l'étoile (plus le chiffre est élevé, moins l'étoile est lumineuse). 

Ce sont toutes bien sûr des étoiles de notre galaxie. Si on se limite à la magnitude +3,5 (les ~300 plus brillantes), elles sont situées à une distance moyenne de 350 années-lumière, et la plus lointaine est seulement 10 fois plus loin (Deneb ou α du Cygne, à 3200 AL) alors que la Galaxie fait 100 000 années lumière de diamètre. On voit donc notre banlieue stellaire. A noter également que notre Soleil serait invisible à l'oeil (m > +6,5) vu à plus de 50 AL : les étoiles remarquables sont très généralement intrinsèquement plus lumineuses que le Soleil."

Donc voilà : laissons à Hubble le soin de voir ce qui se situe plus loin que la Galaxie. Nous, on est limité à la magnitude 6,5 max.

Merci pour la question ! Elle me rappelle un paradoxe de l'univers que je vous invite à découvrir : le paradoxe d'Olbers ou "Pourquoi fait-il nuit la nuit ?"

La réponse ici :
http://www.astronomes.com/lunivers/univers-non-eternel/

Ou ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_d%27Olbers

Si ça se trouve, c'est la même chose dans nos frigos...

lundi 1 juin 2015

Tracasserie (#2)

Petit message à vous qui :
- avez eu peur en l'an mille (vous n'êtes plus très nombreux)
- pensiez vivre la chute de la station MIR en haute couture en juillet 2001 pour une fin du monde plus chic
- aviez votre stock de bombes anti-insectes contre le bug du 1er janvier 2000
- avez redouté le 21 décembre 2012 (ou peut-être 2220 selon les interprétations : nous ne serons pas très nombreux non plus)
- regardez du coin de l'œil les affiches pour "San Andreas" dans le métro en vous disant que l'immobilier californien, c'est finalement peut-être un peu trop risqué...

Sachez que les Neptuniens et les Plutoniens ne font plus partie de votre joyeux club car leurs planètes ne collisionneront jamais comme tout le monde peut le craindre quand il voit ça (pour info, ce sont les 2 planètes les plus éloignées du centre qui est le Soleil sur cette représentation) :



Mis à part le fait que Pluton n'est plus considérée comme une planète depuis 2006... mais en fait si depuis l'année dernière (le membre du comité d'astrophysique de Harvard ayant dit : "Un hamster nain reste un hamster" a finalement été entendu), bref, on voit (on pense, on croirait) que Neptune et Pluton ont des choses à se dire et pourrait en venir au contact.

Il n'en est rien, dormez tranquille ! Car en fait, leurs orbites ressemblent plutôt à ça :



En gros, lorsque Pluton semble croiser l'orbite de Neptune, elle le fait mais à des dizaines de milliers de kilomètres "au-dessus" ou "en-dessous".

Une autre vue (pour finir de convaincre les survivalistes acharnés du fond de la salle) donne ça :



Bref, imaginez-vous au milieu d'une prairie (vous êtes le Soleil, c'est la classe). Votre enfant fait du tricycle et tourne autour de vous (lui, c'est Neptune). Et vous, vous lancez un boomerang (mmm, Pluton. Vous suivez ?) qui vous revient dans les mains à la perfection (vous êtes trop forts, vous êtes le Soleil).
Et bien vu d'avion, la trajectoire du boomerang croise celle de votre cycliste de gamin mais vous êtes super détendu parce que vous êtes le Sol... parce que vous savez que le boomerang passe bien au-dessus de sa tête ! Imparable.


Bon, on peut aussi relativiser l'importance de tout ça en jetant un œil à la partie de pétanque ci-dessous...




... ou bien se dire que connaître la date à laquelle Pluton n'a plus été considérée comme une planète est un référentiel temporel comme un autre !



(challenge accepted!)